Invitée par l’association Lear le 28 novembre, la réalisatrice Valeria Selinger est venue rencontrer trois classes de lycéens et lycéennes, de la seconde à la terminale. Les élèves de S05 ont rédigé des articles rendant compte de cet échange. Voici une de leurs productions :
Quand un roman devient film : le chemin de Valeria Selinger
De l’architecture au cinéma
Avant d’être réalisatrice, Valéria Selinger a d’abord étudié l’architecture pendant deux ans. Ce n’est qu’en se rappelant un stage qu’elle avait suivi à 15 ans, où elle écrivait déjà des scénarios, qu’elle décide de rejoindre une école de cinéma. Pour elle, architecture et cinéma se rejoignent : dans les deux , il faut construire, imaginer, organiser l’espace, créer des émotions.
Un roman miroir
Si Valéria Selinger a choisi d’adapter le roman de Laura Alcoba, Manèges, traduit en espagnol sous le titre La casa de los conejos, c’est parce qu’elle s’est reconnue dans l’histoire de la fillette. Comme l’autrice, elle a grandi en Argentine dans un climat de peur et de silence. Pendant la dictature, elle ne pouvait pas vivre normalement, et elle raconte même avoir été obligée de brûler ses propres livres à cause des militaires. Ce passé l’a profondément marquée et lui a donné envie de rendre hommage à toutes les enfances volées par la violence politique.
Adapter un roman : un défi avant tout administratif
Selon Valéria Selinger, adapter un livre n’est pas seulement un travail artistique. C’est aussi une difficulté administrative, surtout avec les maisons d’édition, et c’est l’une des raisons pour lesquelles la réalisation a duré aussi longtemps. Elle affirme d’ailleurs que ce sera son dernier film tiré d’un roman, tant le processus lui a demandé du temps, des efforts et de la persévérance.
Un tournage long et difficile
La réalisation du film lui-même a demandé une patience exceptionnelle : 7 à 8 ans pour préparer et monter le projet, avant même de commencer à tourner. Le tournage en Argentine devait durer six semaines, mais n’en a finalement duré que cinq, par manque de moyens. Il a eu lieu près de La Plata, le vrai lieu des événements racontés dans le livre de Laura Alcoba, ce qui donnait une dimension émotionnelle encore plus forte à l’équipe. La réalisatrice ne voulait pas réaliser un « film d’époque » classique. Son but était de créer une identité visuelle très travaillée, avec une bande colorimétrique douce et une bande sonore unique. La musique joue un rôle essentiel : elle vient remplacer les dialogues absents, car le silence est le moyen d’exprimer la solitude et l’incompréhension de la petite Laura face aux événements.
Un film qui parle à tous
La Casa de los Conejos raconte une histoire vraie, mais elle touche un public large. Beaucoup de spectateurs peuvent se reconnaître dans ces situations de peur, de silence, de résistance ou de perte. En filmant l’histoire d’une enfant, Valéria Selinger réussit à rendre visible un chapitre important de l’histoire argentine, tout en rappelant que ces traumatismes restent universels.
Article rédigé par Enzo Gougnard et Emir Polat
Titre trouvé par Arthur Barret et Ewann Bréard

